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Pierre.Rostaing, Mission TICE Europe
Académie de Grenoble +
Ministère EN Paris (Direction de la Technologie) + Bruxelles
(OASIS RTD Project 2000/2004)
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PROGRAMME
NATIONAL DE FORMATION
SUR
LES TECHNOLOGIES
DE
L'INFORMATION
ET
DE LA COMMUNICATION
DANS
L'INSTITUTION SCOLAIRE : Abrégé et réflexion.
SOMMAIRE
Introduction
I. 2
conférences
A. le cadre de la technique dans
lequel nous vivons,
B. le rapport des parents et des
enfants à ce cadre.
II. 10
problématiques
A. Questions
génériques [pourquoi].
1. Pourquoi l’institution scolaire
doit-elle vouloir s’approprier les TIC ?
2. Intérêt des TIC pour
les élèves.
3. Intérêt pour les
enseignants.
5. Intérêt pour les
personnels d’encadrement.
6. Intérêt pour
l’emploi, la solidarité et la citoyenneté.
B. Questions méthodologiques
[comment].
7. Comment intéresser les
enseignants ?
8. Comment contrôler
consultation et édition sur l’Internet ?
C. Questions techniques [qu’est-ce].
9. Que sont les NTIC (Qu'est-ce que
le numérique ?) La question de la confusion des
dénominations.
10. Rapprochement des domaines
administratif et pédagogique via le Net.
III.
les 3 déficits à combler :
politique (stratégique),
pédagogique, communicationnel.
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Introduction.
§1 “ L’enfant au cœur du
système éducatif ” est la phrase-titre du
préambule de la dernière Loi-cadre qui institue
l’organisation du-dit système. Telle paraît être
aussi la chance offerte par les Technologies de l’Information et de la
Communication Educatives ou TICE [dont l’Internet intégre en
réseau tous les usages connus], pour peu qu’on se fixe moins sur
le simple moyen technique que sur la finalité éducative
et communautaire de leur logique de réseau. Pour que l’Internet
ne devienne pas l’outil unique du marché économique, le
système éducatif peut et doit veiller à en faire
pour tous à la fois l’outil de la compréhension du monde
et celui de la formation du citoyen.
§2 Deux conférences
données à l'ESPEMEN de Poitiers en Mars dernier
introduisent à cette problématique. La première
réfléchit en profondeur le cadre de la technique moderne
dans lequel nous vivons, la seconde jette une lumière crue sur
le rapport des familles à ce cadre. L'une et l'autre permettent
de saisir dans toute son ampleur l’enjeu de l’introduction des NTIC
dans l’institution scolaire, comme dans toute sa portée, la
responsabilité des éducateurs _ parents compris _ devant
ce phénomène qui bouleverse notre fin de siècle.
§3 Leur
complémentarité — la mise en perspective de la
relation objective qui lie le contenant (les NTIC en tant que telles)
au contenu (le type de relations sociales et pédagogiques que
les NTIC induisent) —, peuvent aider chacun à mieux se
positionner et de mieux préparer l’organisation de
réponses appropriées sur le terrain. Le rappel des
directives gouvernementales et la présentation de riches
expérimentations de terrain (à Toulouse, Parthenay,
Piquecos, etc.) les complèterons et nourrieront utilement, bien
sûr.
§4 La richesse des
confrontations qui les ont suivies permet de dégager un ensemble
de problématiques fondamentales. Et de nous assurer ainsi d’une
meilleure articulation de l’offre des NTIC avec la demande
éducative, sociale et citoyenne.
Cet
abrégé, rédigé dans l’urgence, consiste en
3 volets secs :
1. synthèse des
conférences — connaissances de base pour toute réflexion
future.
2. synthèse de 10
problématiques majeures — sachant que leur contenu,
développé et enrichi, sera par ailleurs servi en
ligne prochainement, et permettra donc d’y revenir.
3. synthèse des
déficits majeurs du système vis-à-vis de l’enjeu.
Merci de
compléter et de me corriger.
ANNEXE 1
Les
deux principes fondamentaux de l’Internet :
1. la convergence
technique,
2. la
mutualisation des activités humaines, qu'elles soient de
connaissance [acquise] ou de réflexion [à produire].
Au passage, ce sont aussi bien des
principes formels pour le langage (une écriture commune, une
langue commune).
Il faut bien y
réfléchir : l'Internet apparaît comme la technique
qui rend les autres techniques communes quand l'écriture rend le
monde commun : dans le monde occidental, les choses sont devenues des
informations (soumises au principe de raison ?). Paradoxalement,
l'assurance dans le cadre universel de l'Internet des techniques qui
nous assurent de toutes choses (du moins en tant qu'informations
valides) nous renvoie à l'origine de la mise en commun d'un
monde : à la communication entre membres d'une même
communauté et à sa manifestation comme volonté
d'un autre monde que celui de la seule information assurée.
Celle-ci correspond en définitive à l'absolue
nécessité de la science, mais elle s'avère comme
telle précisément insuffisante.
Dans l'éducation,
l'acquisition des connaissances seulement basée sur ce
modèle montre sa limite.
Dans la politique, l'exploitation de
ce modèle efficace pour la maîtrise de la nature montre sa
limite.
En vérité, la
société de l'information dans laquelle nous sommes
censés entrer n'est que le produit final de l'ère
industrielle.
Seule la fascination pour la
technique peut expliquer ce contresens et masquer ce
phénomène simpl
Les principes de l'Internet (et non
l'outil actuel), si nous y veillons, peut aider le dépassement
en douceur des formes devenues inadéquates de l'éducation
et de la politique. Inadéquates quant à leur forme et non
quant à leur fonds, insistons bien là-dessus : le
changement de forme est destiné à ramener le fonds
à la surface et, ainsi naturellement, à le renforcer :
Ainsi, dans l'éducation tout
objet de savoir peut ainsi être ramené à
l'expérience de son origine. Partant d'un même
problème vêcu et éprouvé par la
communauté, il renvoit chacun à son origine, à
savoir un problème de communication avec son environnement
(choses et hommes) avant de se fixer en information par le jeu du
dialogue, puis du débat contradictoire et enfin du principe de
raison qui dit que "rien n'existe sans une raison suffisante dont je
puisse rendre compte".
En politique à l'inverse,
puisque c'est à elle de déterminer et non recevoir des
déterminations, tout problème peut être
traité depuis sa fin constitutionnelle (avant de
disparaître éventuellement sous un vote ou un plan
comptable, n'importe).
Les trois
problèmes de généralisation de l'Internet sont
[après l'universalité de l'accès] :
l’interopérabilité, la sécurité, la
formation.
— L'interopérabilité
est un problème de moyen : comment assurer une communication
libre entre des systèmes d'information, des organisations, des
citoyens, partant de la définition de la communication qu'en
donne la constitution ?
— La sécurité est un
problème de moyen : comment assurer à la fois
l'information sur le réseau (vs. virus, attaques) et les
individus qui produisent celle-là et font vivre celui-ci ?
— La pédagogie est en la matière, comme le gouvernement, un problème
de fin : que veut-on et savoir et faire et pourquoi ?
L'éducation étant
l'âme de toute communauté, comment faut-il
considérer l'articulation désormais nécessaire des
deux principes de l'Internet avec ceux de l'Education ?
A mon sens, il faut considérer l'arrivée d'Internet
à partir de l'idée que ces deux principes étant
caractéristiques de la langue en général, ils
forment au sein de la communauté les conditions de
possibilité de la réforme de l'Education qui s'est
amorcée en Europe et dans le cadre de la mondialisation.
Comment justifier plus radicalement
cette proposition ? En 3 points :
1.
L'usage communicationnel d'Internet et le développement de la
pédagogie de projet qui lui est constitutivement associé
dans le système éducatif (partout où le changement
s'effectue) trouve son origine dans la définition du web que ses
inventeurs les chercheurs du CERN de Genève lui donnèrent
: "Le premier outil universel de traitement
collectif des problèmes en temps réél". Que nous dit cette phrase ? La technique
n'est bonne que si elle renvoie l'information à son origine, la
communication, et donc : à l'épreuve de la
communauté vivante des hommes, ou d'élèves, de
parents et d'enseignants riches d'un projet commun. Autrement dit,
avant d'être un outil d'information, l'Internet est un outil de
communication entre les hommes et destiné, comme tel, à
assurer d'abord et avant toute détermination le partage,
l'échange, la discussion et la délibération.
Autrement dit encore : les deux principes valent pour la technique
comme pour le changement organisationnel induit par celle-ci. Pourquoi
? Parce que dans les deux cas l'information, technique ou
pédagogique, se trouve renvoyée à sa source !
Si cette définition a
été massivement recouverte par l'approche
libérale, purement transactionnelle, du marché, il va de
soi que c'est elle qui constitue le véritable fonds, la nature
de l'Internet, et qu'il importe aux autorités politique de
veiller à maintenir sa flamme face aux entreprises
répétées du marché de le réduire
à sa simple surface commerciale. Du reste, seule une vue courte
du marché ne s'apercevrait pas assez tôt, après le
lamentable échec d'une "net-économie" aveuglée par
ses certitudes libérales, qu'en poursuivant de cette
manière imbécile, elle scie sa propre branche. Car enfin,
sauf à vouloir sciemment se suicider, aucune économie,
éducative, politique ou de marché, ne peut imaginer se
priver de son oxygène et de ses moyens.
A cet égard, je voudrais
ajouter que la publicité faite jusque là d'un Internet
commercial, essentiellement fournisseur d'informations et de services
à domicile est naturellement régressive et fortement
dommageable pour tous les éducateurs prudents face au rouleau
compresseur d'un progrès perçu comme une "joyeuse force
qui va".
La meilleure preuve en est
l'effondrement de l'économie dite nouvelle qui a bien fait rire
ces derniers. Le problème politique que cela pose est que cette
faillite généralisée aurait dû les pousser
non à renforcer leur croyance en la futilité de l'outil,
mais à considérer la possibilité de l'ignorance de
ceux qui s'y employaient de cette manière et surtout celle d'une
faillite bien plus grave : celle des pouvoirs publics à
prévenir.
Si la faillite financière
était annoncée aux gens d'expérience, la faillite
gouvernementale traduit le bas niveau, voire l'absence de
réflexion globale des gouvernants occidentaux et de leurs
conseillers [issus par définition du sérail de
l'ère précédente] : dans leur grande
majorité, ils voient encore dans l'Internet un outil nouveau,
mais pas la nouveauté. Or, sans appropriation politique de
l'outil (à supposer que c'en soit un), point de salut commun.
Ils ne voient pas le cadre méthodologique, pédagogique,
bref gouvernemental, dans lequel toutes les activités convergent.
2. Après
la définition intrinsèque de l'outil, sa pratique : l'approche systémique,
interdisciplinaire ou collaborative.
3.
Enfin la nécessité politique : l'intégration et son articulation
> verticale :
locale, nationale, internationale
> et horizontale :
éducation, emploi,
citoyenneté
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I. Conférence A sur le cadre
de la technique dans lequel nous vivons.
Résumé réflexif
de la conférence de Monsieur Bernard Stiegler, directeur adjoint de l'INA et philosophe.
La question des implications
organisationnelles et individuelles des NTIC.
Ces implications sont
conditionnées par :
a.
la technique moderne qui homogénéise la planète et
dont la logique de convergence conduit inexorablement les
réseaux vers le “tout numérique“. Cette logique peut se
résumer par l’équation : Internet [ou
télévision numérique, dans sa version
développée] = télécoms x
télévision x informatique.
>> Cette équation
indique que les divisions actuelles
[logiciels-multimédia-télé-CDetc.], dans
lesquelles la pédagogie se perd souvent, vont tendre à se
clarifier naturellement au profit de la division des usages du
réseau qui les intègre : intranet, d’une part, internet,
d’autre part, suivant que l’usage est réservé
[réseau local] ou ouvert [rappelons au passage que le terme
INTERNET est le raccourcis d’INTERnational NETwork, par
définition : réseau international].
b.
le marché qui, corrélativement, livre la planète
aux enjeux de l'économie mondiale… rendue globale par le
dispositif de la technique moderne (exemple du conflit entre
institutions et industries de programme).
Quelles sont ces implications ?
1. implications
générales. D'une part, la télévision est
devenue le système calendaire universel. Elle
surdétermine les rythmes politiques et sociaux du monde entier.
L’Internet, qui lui ajoute l'interactivité, va accroître
la réactivité locale de ce système global. D'autre
part, l'évolution proprement technique du "tout
numérique" ou "numérique intégral" [grâce
à la combinaison de deux normes : MPEG assurant la
compressibilité universelle des données, et TCP/IP la
compatibilité universelle des réseaux de transmission]
conduit la télévision à repenser — et donc
réécrire ses programmes sous forme de stocks de
plans-images dont les contenus sont désormais
systématiquement indexés. Le mode de programmation
linéaire traditionnel se voit ainsi remplacé par un mode
de programmation multicritère dont les moteurs de recherche,
nés de l'intelligence artificielle et opérationnels sur
le Net, constituent la clé. Dans un futur proche, ces stocks de
données permettront de reconnaître "par indexation
automatique de contenu" n'importe quel plan ou registre objectif d'un
document audio-visuel… et par conséquent d’assembler et de
reconstruire à loisir à partir des stocks
constitués à l’INA et ailleurs. On assiste donc là
à une révolution profonde du mode de production des
contenus, à l’exercice duquel l’Internet invite d’ores et
déjà élèves et enseignants :
2. implications particulières
[pour l'éducation]. La maîtrise générale de
cette révolution, déjà à l'œuvre dans
l'édition de documents par les élèves sur le web,
doit donc être un enjeu stratégique prioritaire du
système éducatif. Car ce qui est ici en jeu, ce sont les
pratiques génériques de la lecture et de
l'écriture dans le monde rendu “commun“,
homogénéisé, par la technique. Si les USA ont
financé jusqu'ici l'Internet à eux seuls, c'est qu'il ont
compris les premiers qu’une stratégie économique globale
repose sur trois axiomes fondamentaux :
1. maîtrise prioritaire des
télécommunications, 2. maîtrise du 1er
marché unificateur mondial : la télévision
numérique (fusion net/tv), 3. enfin et surtout maîtrise de
la condition de possibilité de l'ensemble : l'éducation.
Trois axiomes clairement lisibles dans la stratégie Microsoft,
mais dont l’interprétation est décisive :
l’éducation est-t-elle un marché captif ou la condition
de toute vie sociale, économique etc. ?
___________________________________________
I. conférence B
Résumé réflexif
de la conférence de Monsieux François Mahieux, président de l’UNAF, ex-directeur
du CSA et ingénieur des télécoms.
B. La question de l’égalité
d’accès des familles à ce nouveau monde des NTIC.
La conférence
précédente a mis en évidence la
réalité des principes de convergence des
télécoms, de la télévision et de
l’informatique que traduit déjà fortement l’Internet :
priorité rendue à la communication interactive sur
l’information “venue d’en haut“, etc., mais aussi danger absolu
d’abandonner à la technique et à l’économique purs
le sol de l’éducation sur laquelle ils reposent. La seconde
conférence, qui se veut une réflexion sur
l’égalité d’accès à l’éducation
dès la famille, prolonge la première en demandant si pour
répondre à ce danger il peut y avoir aussi convergence
sociale et éducative.
Le constat social. La multiplication
des écrans à laquelle on assiste ces dernières
décennies [1ère TV, 2ème, minitel, console de jeu,
PC etc.] a largement contribué à atomiser la cellule
familiale. Or, celle-ci est pour l’enfant la communauté
première. Car c’est en elle, dans la société
naturelle, que par le jeu des relations d’amour et de confiance,
commence en principe de se former chez l’enfant l’élément
rationnel et le citoyen. Si tel n’est pas le cas, comment
l’école peut-elle se substituer à son principe et mettre
l’enfant en relation avec les autres ?
Première conséquence
de la multiplication des écrans : l’érosion des
programmes collectifs et des chaînes généralistes
au profit d’une forme de programmation “sur mesure“ et de canaux
toujours plus spécialisés. Si le sens de la mesure n’est
pas acquis collectivement et par ailleurs dans le système
éducatif, cette forme risque à terme de n’avoir de “sur
mesure“ que le nom. Il est donc nécessaire de repenser le
système en fonction de cette réalité.
>>> La pratique interactive
et donc forcément collective du réseau, aussi bien dans
que hors de l’établissement scolaire, doit être ici
considérée comme la ressource majeure pour y
remédier (que ce soit le réseau d’entraide communal, le
réseau d’établissements ou/et leur forme étendue
[au-delà de frontières physiquement ou
géographiquement déterminées] via les services de
l’Internet — peu importe, le principe peut ainsi demeurer sauf : et le
tissu social le plus déchiré peut se reconstituer par le
jeu des relations qu’amplifie et intensifie l’éducation).
Deuxième conséquence :
la dégradation de l’image de l’enseignant. Résultat de
cette évolution individualiste de la pratique
télévisuelle, mais aussi résultat
corrélatif du “grand marché“ qui se capte toujours au
moyen de la plus-value éducative et technique de ses produits,
il n’est pas exclu d’assister, un jour prochain, à ce que
François Mahieux a purement et simplement appelé… “le
zapping du prof“. Sauf à tenir le département 93 pour le
thermomètre le plus profondément ancré dans la
réalité française, celui-ci n’a pas
commencé et, au vu des premiers résultats du
questionnaire des lycéens, n’est heureusement pas encore
prêt de commencer.
>>> Là encore, la
pratique interactive ou interactionnelle est clé de la
remédiation.
Troisième conséquence
: le renversement des générations. En ces domaines, les
jeunes apprennent le plus souvent aux vieux. Faut-il en avoir peur ?
Manifestement, non : voilà au contraire une véritable
aubaine à saisir de part et d’autre de l’institution pour
comprendre que et comment la réciprocité est source de
responsabilité et de respect d’autrui.
>>> L’élève
gagne en importance, et le professeur se fait plus humain, tout
simplement parce que l’échange autour du savoir se fait dans un
rapport plus équilibré et de fait plus naturel. Les
adultes en général — et ceux-là mêmes qui
enseignent sans doute mieux que les autres — savent bien au fond qu’il
reçoivent de la jeunesse à proportion de ce qu’ils lui
donnent.
Quatrième conséquence
: l’échec apparent du Droit. Les jeux qui font fureur chez les
jeunes médusés devant leur console présentent
généralement cette caractéristique contraire
à celle de l’école : j’expérimente sans
règles. Triomphe de la méthode inductive sur la
méthode déductive. Comment dès lors associer au
plaisir le système des règles et contraintes
nécessaires de l’école, quand le plaisir se trouve
fortement lié à la fois à l’absence de
règles et au spectacle récurrent qu’en offre la
télévision [à travers films et actualités] ?
>>> La réponse
est dans le point précédent : sans
génération de la responsabilité, l’idée de
droit reste chez l’enfant une abstraction.
La philosophie de l’Internet, la
pratique de réseau à tous les échelons de la vie
sociale et éducative, va-t-elle permettre d’infléchir ces
tendances ou bien les renforcer ? Une seule chose est certaine : leur
infléchissement vers la convergence sociale et éducative
est la grande affaire de tous, pédagogues parents et enseignants.
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II. Dix
problématiques.
A. Questions
génériques [pourquoi].
N° 1. Pourquoi l’institution
scolaire doit-elle vouloir s’approprier les TIC ?
Le Recteur de l'académie de
Poitiers a commencé son introduction en faisant de cette
question la question de fond du “problème de l’implication des
TIC dans l'organisation de l'institution et de ses relations avec ses
partenaires”. La réponse est qu'il nous faut comprendre et
saisir le monde tel qu'il est. L'objectif est donc de pouvoir fournir
à chacun la maîtrise du "système de services" qui
se constitue inexorablement. L'enjeu est, premièrement,
économique _ voulons nous dépendre des autres ou bien
assurer notre propre croissance ? _ deuxièmement, politique au
sens large : renforcer la communauté, accroître la
démocratisation de la vie publique, impliquent que soit rendues
effectives a. l'universalité de l'accès au réseau
du partage des ressources [l’Internet], et b. l'expérimentation
et donc l'apprentissage de ces nouveaux outils.
De ces remarques d’ordre
général, découlent alors, pour l’essentiel, les
réponses aux questions qui suivent.
N°2. Intérêt des
TIC pour les élèves ?
Mettre les élèves au
cœur du système, tout en permettant à celui-ci de mieux
répondre à leur attentes. Le service aux
élèves et parents d’élèves est le domaine
qui demeure à ce jour le moins exploré. Ce paradoxe
majeur [eu égard à la mission de l’institution] devrait
être levé d’autant plus vite que ces journées
auront permis d’en fournir la clé : sitôt que les
éducateurs eux-mêmes auront été
formés au simple usage du net [y compris donc — et pourquoi pas
surtout — par ceux-là mêmes qu’ils éduquent],
l’institution pourra travailler pleinement à son bon usage.
Ce problème est transitoire.
Une année semble nécessaire à l’organisation d’un
système de services a minima par académie [messagerie et
sites], pour impulser une dynamique de projets.
Eclaircissement. Concernant les
élèves _ le cœur du système _ l'objectif a minima
est de leur apprendre à finaliser leurs travaux sur l'Internet,
de manière à viser systématiquement le niveau de
l'édition et de la publication. C’est sans doute là le
meilleur moyen de répondre, à la fois, à leur
demande d'éducation citoyenne et de responsabilisation au sein
de la communauté.
Question annexe. Pourquoi l’Internet
peut constituer pour les classes d’élèves difficiles un
objectif prioritaire ? Ne pas penser l’Internet comme un objectif
prioritaire en France, c’est risquer d’ajouter un second illetrisme au
premier : toute entreprise nouvelle — industrielle, technologique,
culturelle ou même, a fortiori, sociale — recquiert
désormais de savoir travailler en réseau,
c’est-à-dire dans des systèmes interactifs horizontaux.
Ceux qui ne possèdent pas ce savoir-là passent d’ores et
déjà derrière les autres dans les entretiens
d’embauche. Aux objections selon lesquelles “il y a d’autres urgences“
ou “l’élève qui ne possède pas un niveau minimum
n’a pas à aller sur le Net“, il faut répondre :
1. dans un monde d’urgence — comme
celui de l’entreprise — tout problème, quel que soit son niveau,
est aujourd’hui au mieux traité par la logique de communication
du réseau,
2. si l’on ne met l’accent que sur
les problèmes immédiats de l’élève en
difficulté, on le fixe sur une logique de besoin primaire qu’il
ne pourra plus dépasser : si au contraire on lui offre de s’en
échapper par une logique de reconnaissance, notamment
grâce à l’édition de pages individuelles et
collectives sur le Web qui l’obligent à mettre en œuvre tous les
fondamentaux de l’éducation, on le remet inexorablement sur les
rails de la lecture et de l’écriture, le plaisir de
l’indispensable reconnaissance acquis en sus définitivement.
N°3. Intérêt des
TIC pour les enseignants ?
Corollaire du point
précédent. Côté élèves,
l’apprentissage des savoirs génériques que constituent
l’écriture et la lecture passe désormais, en partie, par
l’usage de l’Internet. Avec ce gain évident : ça ne
marche pas si l’on ne respecte pas à la lettre, ni les
opérateurs ni l’orthographe, notamment dans les travaux de
recherche, de veille ou de dialogue (bref, si l’on ne respecte pas la
logique, booléenne ou autre). Côté institution, la
mission, souvent dévolue aux IPR, de mutualiser les acquis des
enseignants et de mettre ceux-ci au service des élèves
comme des impétrants-enseignants, s’avère être un
projet fédérateur de la plus haute importance au
bénéfice d’une solidarité accrue des enseignants
entre eux.
N°5. Intérêt des
TIC pour les personnels d’encadrement ?
Formation, contrôle,
évaluation.
Il faut veiller à ce que soit
donné aux élèves une expérience directe des
NTIC, notamment telles qu’elles se trouvent toutes aujourd’hui
intégrées dans la pratique de l’Internet. En effet, les 4
classes de service fondamentales offertes par le réseau —
recherche, messagerie, édition, dialogue — constituent pour eux,
de ce point de vue, une formation idéale parce que
complète. Sans quoi, coupées de l’univers quotidien des
élèves les plus défavorisés, les NTIC
resteront une abstraction et les laisseront résolument hors du
jeu des relations socio-économiques.
Dès lors, chaque
établissement peut être pensé à la fois
comme un réseau et comme un arbre de connaissance dont les
branches interagissent et échangent leurs manques et leurs
richesses [pour combler les premiers et accroître les secondes
rendues ainsi communes à tous].
Sur un plan technique, le
système de gestion à distance par un seul administrateur
des réseaux locaux d’établissement pour un territoire
donné est la solution la plus légère (le
système d’exploitation “libre“ de type Unix ou Linux
étant le modèle le mieux adapté à cette
tâche).
N°6. Intérêt des
TIC pour l’emploi, la solidarité, la citoyenneté ?
Corollaire des points
précédents — il faudrait, pour bien en dégager les
principes, réserver ici une étude réflexive
croisée des comptes-rendus des expériences locales de
Piquecos et de Parthenay. Je l’entreprend ce jour et la communique
dès que possible.
Les collectivités locales ont
de plus en plus de décisions à prendre sur les conditions
qui déterminent le développement économique et ont
de ce fait besoin d’être en contact avec ses principaux acteurs.
Parmi ces acteurs, l’éducation se trouve au premier plan
puisqu’elle détermine pour une part essentielle, par sa fonction
même, les conditions du développement politique et social
du territoire et parce qu’elle fournit elle-même la plupart des
futurs acteurs de son développement économique. Il est
donc nécessaire de nouer davantage de relations entre ces trois
mondes [politique, économique, social/éducatif], comme a
commencé de le faire, de manière exemplaire, le
“laboratoire“ de la ville de Parthenay. Il est vrai qu’il manque encore
de moyens pour traduire à l’échelle nationale cette
volonté citoyenne sur le terrain et de volonté politique
bien informée pour la rendre effective. Mais, d'une part, le
réseau de l’Internet, qui ne fait que s’appuyer sur des
infrastructures existantes, offre la possibilité concrète
d’une généralisation à court terme de son
accès à toutes les couches de la population qui le
souhaitent. D'autre part, un programme générique existe
pour structurer rapidement l'offre économique en fonction de la
demande sociale générale : il s'agit du RNIC —
"Réseau transNational de l'Information et de la Communication
entre les citoyens et avec leur(s) Etat(s)" — programme à
vocation également européenne en cours d'étude
dans plusieurs ministères et à la CE. Celui-ci
permettrait aux citoyens de mieux se prendre en main et de
développer les solidarités horizontales
nécessaires à un redéploiement économique
et social local tirant sa richesse de l’universalité de
l’accès au réseau et des volontés innombrables de
participer à la construction d’un autre avenir pour les enfants
que celui du chômage et de l’exclusion..
B. Questions méthodologiques
[comment].
N°7. Comment intéresser
les enseignants ?
Travail professionnel des IPR en
charge de mutualiser les savoirs et les expérimentations
disciplinaires, d’une part, mission d’impulser et favoriser les projets
des chefs d’établissement, d’autre part. Pression naturelle des
élèves, enfin, dont la demande ne va pas cesser de
croître. Pressé de deux côtés au moins (pour
ne parler ni du plaisir de la découverte de la diversité
et de la richesse des ressources mises en ligne sur le Net, ni du
bienfait direct de la mutualisation des moyens pédagogiques),
l’intérêt de l’enseignant le plus rétif finira par
croître de lui-même, et plus tôt qu’on ne pense (cf.
l’expérience exemplaire de la Finlande).
N°8. Comment contrôler la
consultation et l’édition sur l’Internet ?
Si les professeurs ont su faire
passer la nécessité du Net, le contrôle se bornera
à l’aide “par-dessus l’épaule“ que les
élèves apprécieront d’autant plus que le travail
se verra ainsi de fait plus personnalisé [comme ils l’appellent
eux-mêmes de leur vœux]. Enfin, l’emploi intelligent des
mémoires cache des serveurs “proxy“ permet, dans le pire des
cas, de “veiller” l’usage tant global que différencié de
toutes les consultations et transactions opérées sur le
Net.
C. Questions techniques [quoi].
N°9. Que sont les NTIC ?
Au cours de ces journées,
j’ai pu constater une certaine confusion dans l’emploi de vocables
utilisés, finalement, pour parler de la même chose. Le
progrès technologique, mais plus encore la logique de son
marché, font que de nouveaux écrans et/ou de nouveaux
vocables viennent sans cesse recouvrir les anciens, lesquelles
subsistent néanmoins, etc, si bien que l’on ne sait plus dire,
en bref, quelle différence il y a entre
télématique, multimédia, internet. Il me semble
que la sagesse, se pliant au bon sens, serait de considérer
celui de ces médias qui intégre tous les autres, à
savoir : l’Internet. Outre l’intégration de tout le savoir
technologique à laquelle il donne corps, l’Internet est le
premier à associer de façon systématique les deux
principes indissociables de l’éducation : l’information
[produite] et la communication [qui la produit]. En effet, et pour
finir sur un exemple simple : un cd-rom, aussi achevé soit-il,
est bien un outil multimédia, dans la mesure où il
combine de façon “intelligente” des mots, des images et des
sons, mais, comme tel, il ne permet pas de remonter à la source
qui l’a produit [auteur ou ensemble d’auteurs]. De ce point de vue, il
me semble que l’Internet doit être tenu pour la technique
générique lorsqu’on parle NTIC et surtout lorsqu’on
élabore des projets de nature pédagogique. Car, la
première conférence nous l’a bien rappelé, c’est
lui qui introduit la révolution dans l’ordre du monde comme dans
l’ordre du travail nécessaire à sa transformation.
N°10. Rapprocher les domaines
administratif et pédagogique sur le réseau.
Un seul réseau de messagerie
doit désormais faire converger ces deux domaines, notamment
pour aider à résoudre le problème crucial
des choix organisationnels et partager au moindre coût les
machines à commande numérique et leurs services.
a. L’importance du pilotage du
projet d’établissement par son chef réside dans la
nécessité de lier fortement l’impératif
pédagogique avec l’impératif administratif. Par exemple,
ce sont les préconisations pédagogiques [en
matière de bon usage des TIC dans chaque discipline] qui, avant
les choix techniques, vont déterminer le cadrage
budgétaire du projet d’établissement. Il est donc
nécessaire de jeter un pont permanent entre ces domaines
autrefois strictement séparés [naturellement, dans les
limites des droits de ces domaines respectifs].
b. L’exploration des nouveaux
métiers liés au TIC est de toute évidence à
institutionnaliser. Quand un établissement propose un nouveau
service, celui-ci doit être chargé sur le serveur
général de l’académie pour pouvoir être
partagé par tous et remplir ainsi pleinement sa fonction. Il
devient absurde, dans ce cadre, de le réserver à tel ou
tel serveur particulier quand il en existe deux séparant ces
domaines.
c. Enfin le rapprochement doit
permettre de passer plus en douceur d’une culture du papier et du
tampon à une culture plus souple de la communication
administrative.
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II. les 3 déficits
à combler : stratégique, pédagogique,
communicationnel.
§1 déficit
stratégique : Il procède de la valorisation des
performances de la technique pour elle-même, et enferme
enseignants et élèves dans une logique — celle du
marché — qui est aussi sûrement éloignée des
préoccupations pédagogiques et citoyennes visant à
mettre l’enfant “ au cœur du système ” que de la
réalité de l’usage communautaire des réseaux.
Exemple-clé, et
évidemment involontaire : le Premier Ministre parlant “ de
travailler [en matière de NTIC] avec les meilleurs [comme
Microsoft] ” et ne disant mot ni de l’avance prise par la France en
matière de logique de réseau ni de la richesse des
contenus hérités du Minitel que le monde entier nous
envie. Conséquence fatale : enseignants, parents,
élèves se défient naturelle-ment d’un discours sur
les NTIC jugé “tarte-à-la-crême”, dont ils ne
perçoivent que l’aspect mercantile ou monstrueux (le trop fameux
“retard à combler sur les USA“).
>>> résolution :
Mettre l’accent moins sur les NTIC comme telles que sur le principe
d’interactivité ou de réseau qui les unifie* et permet
d’atteindre collectivement des objectifs scolaires autrement
impossibles à atteindre. La mise en partage ou mutualisation des
savoirs génériques, d’une part, l’apprentissage collectif
autour de projets bien définis par les acteurs eux-mêmes,
d’autre part, permettent, en effet, aussi bien de soigner la “
technopathie ” ambiante que de résoudre dès
l’école le clivage théorie- pratique [en faisant faire du
Français, de la géographie, de l’histoire ou de la
mathématique appliqués à l’usage du réseau
: par exemple, à partir des correspondances, des
géo-statistiques des requêtes, etc. etc.].
§2. déficit
pédagogique : Résultant du point précédent,
il suit de la réfutation de l’apport des NTIC sur le plan de
l’éducation. Or, on constate dans les études d’usage
réalisées sur le terrain que : 1. le rapport des citoyens
aux NTIC considérées dans leur principe [*, ci dessus]
les divise en partisans “ qui en sont ” et non-partisans “ qui n’en
sont pas ” (il n’y a pas de tiers), 2. que les non-partisans le sont
systématiquement par défaut de n’avoir jamais
essayé et, par conséquent, de n’avoir jamais pu
éprouver la logique de réseau et ses
bénéfices en termes de “ travail collectif centré
autour du projet communautaire ” [de la classe, du groupe ou de la
cité]. Quant à celui qui minimise seulement leur apport
au plan pédagogique, on remarque généralement que
son usage effectif du réseau s’est en réalité
arrêté à son aspect purement informationnel (de ce
point de vue, philosopher sur le Web, par exemple, s’avère
être en effet pur non-sens), sans qu’il ait jamais
éprouvé et développé l’aspect
communicationnel (majeur pour tel professeur de philosophie
d’université qui, ayant mis ses cours en ligne à la
disposition de ses élèves et d’autres, développe
avec les plus enthousiastes d’entre eux une correspondance qui
l’enrichit lui-même [par la franchise des objections, par ex.] et
régle avec d’autres des problèmes relationnels qui ne se
serait jamais déclaré autrement [les élèves
n’hésitant pas à exprimer sur sa messagerie leurs
difficultés et — surprise — à en exprimer les causes]).
>>> résolution : cf.
point suivant — pédagogie et communication se découvrant
ainsi dans leur indissociable sociabilité…
3. déficit communicationnel :
un des problèmes majeurs soulignés par les
élèves dans le questionnaire adressé par le
Ministère serait le défaut de communication [directe et
de qualité] des enseignants. Ce défaut semble pouvoir
être généralisé à d’autres couches de
l’institution, et même, bien au-delà, de l’administration
générale et de la nation proprement dite. C’est donc un
problème structurel de l’ensemble de la société
qui semble devoir être négocié sous ce rapport
générique : la communication n’est-elle pas, en effet, le
départ et le creuset de toute entreprise humaine (sans
écriture, ni Constitution ni technologie et, sans parole, point
de dicussion pour s’orienter dans le monde et le faire évoluer) ?
résolution : Tout comme
l’exemple de “ la cité numérique ” de Parthenay semble
apporter sa réponse à l’échelle de la nation, les
exemples de la “ classe numérique ” de Piquecos ou du professeur
de philosophie dialoguant et progressant avec ses élèves
semblent devoir apporter la leur à l’échelle de
l’institution. Il ne faut pas avoir plus peur de la communication
directe avec ses élèves qu’avec ses administrés,
car elle permet manifestement d’un même mouvement de renouer le
lien perdu de la confiance et recoudre le tissu social défait.
Il faut plutôt avoir peur de soi, si l’on y résiste. Car
les différentes formes du repli sur soi ne sont elles-même
induites que par la peur. Dans un tel système, l’enfant qui ne
vit bien que d’amour et de confiance, ne pourra jamais se trouver “ au
cœur ” que par force.
Pierre.Rostaing
E-mail = 1011@wanadoo.fr
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