Schubert avait 8 ans lorsque Kleist écrit son "Amphitryon" (1805). Ils ne sont pas seulement contemporains: la tendresse de l'un, le rire de l'autre ne parviennent pas à recouvrir des plaies profondes.
Benjamin Moreau met en scène cette semaine "Amphitryon" à la MC2. Si vous n'avez pas pris de place, essayez de profiter d'un désistement, cela en vaut la peine. Dans cet "Amphitryon", bien plus tourmenté que celui de Molière, la figure de l'autre est aussi bien source d'un rire déferlant que d'une angoisse allant jusqu'au vertige. Jupiter et Mercure confisquent les apparences Amphitryon et de Sosie, son serviteur et ce n'est pas seulement pour séduire leurs femmes. La mise en scène de Benjamin Moreau, sans complaisance, sans gratuité est servie par une troupe de jeunes acteurs pleins de fougue.
C'est grave et désopilant, le tragique affleure sous le rire et tout au long de la pièce: qu'est-ce qu'on aime ou plutôt qui aime-t-on, au juste, dans l'être aimé? Cette question complexe, Kleist ne la traite pas, il joue avec, il la joue et la déjoue. B.Moreau le sert très honnêtement, sans jamais ennuyer le spectateur, il montre, il effeuille, il décline sans jamais donner l'ennui de démontrer.Schubert joué par Laurence Garcin en bord de scène maintient élégamment cette très belle fable au bord du tragique.
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Amphytrion", du jeudi 6 au mercredi 14.01 à la MC2
GG