Nanni Moretti, dans le rôle d'un psychanalyste convoqué d'urgence au Vatican, entraîne au volley-ball les cardinaux réunis en conclave, dans l'attente d'un pape improbable (Michel Piccoli) qui, à peine élu cherche à apaiser son angoisse de vivre à travers divers lieux de Rome, tandis que la chrétienté sur la place St Pierre et dans le monde entier attend le visage de son nouveau pape.
Ce film truculent et profond consacre (si l'on peut dire) le degré ultime de la sécularisation de l'Eglise catholique. Michel Piccoli incarne merveilleusement ce pape qui ne croit pas en lui, figure actualisée d'un personnage d'H. Melville, Bartleby qui ne sait que dire aux propositions de son entourage: "Je préfèrerais ne pas"... Le film montre un homme psychiquement nu au milieu des somptuosités vaticanes. Terrorisé à la simple idée de s'asseoir sur le trône de St Pierre, il ignore le protocole et ne cesse de fuir dans la ville où chaque pas lui montre de nouveaux visages de la vraie vie, collective et individuelle. Ce vieillard parmi les vieillards de tous les continents qui ne se font pas prier pour oublier la dignité et le prestige de leur rang, se révèle un enfant en quête de sens. Il est tout sauf le père, le Saint-Père dont la disparition fait le bonheur des journalistes. Il se promène ingénu dans le lieu le plus chrétien du monde, dont Nanni Moretti a chassé toute parole de foi. Plus rien ne compte que se mettre à l'abri de responsabilités aussi écrasantes qu'absurdes.
On est aux antipodes du film sur Tibéhirine, "Des hommes et des dieux". Ces cardinaux ne sont que des hommes, ils peuvent aimer une bonne bière ou le théâtre (si longtemps décrié par l'Eglise!); ils vivent dans ce lieu hyper-protégé comme des rois fainéants, l'Eglise catholique, apostolique et romaine a achevé son rapprochement avec l'humanité ordinaire -mais il ne reste RIEN, dans ce film parfois désopilant, du message spirituel qui inspira et imprégna si lontemps la pensée de l'Europe et de l'Occident. Les psychothérapeutes aussi bien que les prélats parlent, vivent et s'agitent à l'aveuglette. La seule vérité, celle qui peut encore animer, donner de l'âme, se trouve, selon N.Moretti, dans ... le théâtre, qui donne lieu à de très fortes scènes :Tchékhov l'emporte facilement sur 2000 ans d'Histoire spirituelle... On est partagé entre le bon rire que Moretti nous suggère et un certain malaise.
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